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Varia

Les réfugiés syriens dans la ville de Rabat : motifs, réseaux et stratégies d’insertion

Abdallah Azrrar

Résumés

L’arrivée des réfugiés syriens témoigne d’une nouvelle dynamique migratoire qui se dessine au Maroc. À l’instar d’immigrés européens et subsahariens, la présence syrienne contribue à la diversification et à la hiérarchisation des profils et statuts de l’étranger au Maroc. Elle interroge également la nouvelle politique d’immigration et d’asile adoptée en 2013, notamment lorsque l’on sait que le statut des Syriens reste ambigu tant que la loi nationale sur l’asile n’aura pas vu le jour. Cet article analyse les motifs ayant incité ces réfugiés à venir s’installer au Maroc. Ainsi, il s’attache à montrer comment leurs propres réseaux et stratégies leur permettent de s’adapter à leur nouvelle situation. L’analyse des données révèle que les solidarités familiales et communautaires jouent un rôle primordial dans leur accueil. Sur le plan du voisinage, la population locale favorise leur insertion sociale, du fait des proximités culturelles liées à la religion et à la langue. La situation précaire impose aux réfugiés interviewés la multiplication de leurs stratégies de survie, en oscillant entre travail informel, assistance et mendicité. Ces formes de résistance et d’ajustement attestent de la difficulté de réaliser leur insertion économique en ville.

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Texte intégral

Introduction

1L’afflux des réfugiés syriens s’inscrit dans un contexte international qui se caractérise par l’insécurité et l’intensification des guerres civiles. Les conflits ont affecté plusieurs régions dans le monde, notamment les pays du sud : le Moyen-Orient (Afghanistan et Irak depuis 2001, Syrie depuis 2011), le Maghreb (Libye depuis 2011), l’Afrique Orientale (Soudan depuis 2011, Somalie depuis 2009) (Lacroix, 2016). À cela s’ajoutent les crises politico-sécuritaires des pays Sahélo-sahariens (Mali, Niger et Tchad), ainsi que la fuite récente des réfugiés rohingyas au Bangladesh pour échapper aux violences qui les touchent au Myanmar.

  • 1 UNHCR, Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (en ligne). Disponible sur : [http://w (...)

2 Sur le plan régional, cette migration forcée est due aux soulèvements et mouvements sociaux, communément appelés le « printemps arabe ». Dans ce contexte d’instabilité politique et de crise socio-économique, le conflit syrien a provoqué l’augmentation des taux de déplacement forcé tant à l’intérieur du pays qu’à l’extérieur. Ces tensions politiques et religieuses ont contribué à l’accélération des flux de départ massifs. D’après les statistiques émises par le HCR, au 19 avril 2018, le nombre de déplacés internes a atteint 6,6 millions. Ainsi, plus de 6,6 millions de personnes ont fui la Syrie depuis 2011, trouvant refuge dans les pays voisins, principalement en Turquie, au Liban, en Jordanie et en Iraq1. Pour sa part, l’Afrique du Nord a accueilli 30 104 personnes.

  • 2 MENA : Middle East and North Africa (Moyen-Orient et Afrique du Nord).

Carte : Répartition des réfugiés syriens sur la région MENA2

Carte : Répartition des réfugiés syriens sur la région MENA2

Source : UNHCR, « Regional refugee and resilience plan 2017-2018 in response to the Syria crisis», Annual report 2017, p. 5.

  • 3 UNHCR, l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (en ligne). Disponible sur : [http://www.unhcr. (...)
  • 4 UNHCR-Maroc, Note d’information, mai 2017.

3Dans le contexte marocain, sur un total de 7 087 demandeurs d’asile et réfugiés sous mandat du HCR, le chiffre de 3 478 réfugiés syriens figure en tête en 20173. En effet, l’arrivée massive des familles syriennes constitue les deux tiers de la population réfugiée au Maroc4. Leur installation sur le sol marocain est récente. Elle témoigne d’une nouvelle dynamique migratoire imposée par la conjoncture de guerre. Par ailleurs, la présence syrienne contribue à la diversification des profils et statuts de l’étranger au Maroc. Elle questionne également l’État marocain sur sa nouvelle politique migratoire, notamment dans sa dimension relative à l’asile et à la protection des réfugiés. Elle interroge ainsi la société dans ses capacités d’accueil, d’inclusion et de vivre-ensemble avec l’Autre.

4C’est dans ces contextes multiples que les réfugiés syriens ont connu des trajectoires dangereuses et sécurisées, régulières et irrégulières, proches et lointaines. Ils se sont dirigés soit vers les pays voisins en renforçant les migrations Sud-Sud, soit vers les pays européens et américains en prospectant des destinations Sud-Nord. Ces diverses mobilités s’appuient sur la construction de réseaux circulatoires transnationaux, susceptibles de créer des liens multiples entre les zones de départ, de transit et de destination (Tarrius, 2010, p. 64).

5Adoptant une perspective microsociologique, cet article nous permet de comprendre les motifs migratoires qui sont derrière le choix du Maroc comme pays d’asile. Ensuite, notre analyse porte sur les stratégies d’insertion des réfugiés syriens dans la ville de Rabat, et ce à travers leur accès au logement et au travail. Cet article s’attache plus spécifiquement à répondre aux questions suivantes : Pourquoi ont-ils choisi de s’exiler au Maroc ? Quels sont leurs motifs migratoires ? Comment leurs propres réseaux et stratégies leur permettent de s’adapter à leur nouvelle situation ? Comment réalisent-ils leur insertion ?

État des savoirs sur la migration des réfugiés syriens au Maroc

6Dans la région du Moyen-Orient et Afrique du Nord, plusieurs recherches ont ciblé la migration syrienne forcée comme objet d’analyse dans le contexte des soulèvements du « printemps arabe ». Certaines de ces études ont analysé l’engagement militant et les revendications des exilés syriens envers leurs pays d’origine et d’accueil : le respect et la promotion des droits de l’Homme et des réfugiés, la réduction des inégalités spatiales et socio-économiques entre les milieux urbains et ruraux, la lutte contre toutes les formes de discrimination et d’exclusion, la protestation pour mettre fin au régime syrien autoritaire avec un parti unique et un dirigeant unique, symbolisé par le parti Baas et le président Bashar Al-Assad (Thiollet, 2013, p. 134 ; Fourn, 2018 ; Boubakri, 2015). D’autres ont reconstitué les trajectoires migratoires des réfugiés syriens installés dans les pays voisins (Liban, Jordanie et Irak), en s’intéressant aux formes de circulation, d’installation, d’intégration et d’appropriation des espaces publics et privés (Dorai, 2016 ; Lagarde, 2018 ; Durand, 2015 ; Sood et Seferis, 2014). Les chercheurs ont tenté ainsi de comprendre les répercussions du conflit armé et des persécutions sur la santé socio-psychologique et l’expérience migratoire des réfugiés syriens dans les pays d’accueil, notamment les femmes seules, les enfants non accompagnés, les personnes handicapées, blessées ou âgées (Pesquet, 2015 ; Skinner, 2014, p. 40 ; James et al., 2014, p. 42). La Turquie qui accueille sur ses territoires le plus grand nombre de réfugiés syriens au monde (3 424 237 personnes en 2018), des rapports ont porté sur les formes d’organisation communautaire des réfugiés syriens, leurs stratégies d’activation et de construction des réseaux migratoires transnationaux, leur relation de voisinage avec la population turque et leurs conditions de vie aux camps et en milieu urbain (Orhan, 2014 ; Okyay, 2017, p. 2 ; Balci et Tolay, 2016). Dans ces pays proches de la Syrie, les enjeux des actions d’assistance humanitaire, octroyées par les États, les associations de la société civile et le HCR en faveur des réfugiés syriens en besoin de protection internationale, ont été également appréhendés. Dans les pays du Maghreb, des études ont exploré les réponses institutionnelles et sécuritaires des États d’accueil face à l’afflux relativement important des réfugiés syriens dans le contexte de l’externalisation européenne de la question d’asile. Ainsi, elles ont traité les politiques migratoires adoptées par les pays maghrébins (Maroc, Algérie et Tunisie) face à l’arrivée successive des immigrés subsahariens et des réfugiés syriens en Afrique du Nord (Natter, 2016 ; Boubakri et al., 2021, p. 1 ; Guillet, 2012). Certaines études de terrain ont ciblé les femmes syriennes réfugiées comme objet d’analyse. Ces enquêtes portant sur le lien migration-genre ont analysé les différentes formes de violence et de marginalisation vécues par les femmes syriennes en situation d’asile. Elles ont étudié également les contraintes qui empêchent leur accès aux droits sociaux et économiques dans le pays de destination, ainsi que le rôle des organisations non gouvernementales dans le soutien, l’assistance et la protection des personnes réfugiées (Richard, 2019, p. 1 ; Araissia, 2019).

7Des lectures bibliographiques que nous avons effectuées sur la thématique des réfugiés syriens au Maroc, nous pouvons distinguer deux catégories de recherches  

8La première catégorie traite la question des réfugiés syriens en tant qu’objet de recherche central. Elle comprend deux articles qui se sont appuyés sur une approche qualitative de la migration. Le premier explore les parcours migratoires et appréhende les perceptions de la population marocaine face à l’installation des exilés syriens au Maroc. Il s’intéresse également à la nouvelle politique migratoire du Maroc dans sa relation avec l’asile syrien (Sidi Hida, 2015). Le second se focalise sur la problématique de l’accès des enfants réfugiés syriens à l’école comme indicateur d’intégration sociale. L’auteur confronte l’histoire migratoire et la condition sociale précaire des parents syriens avec la scolarisation de leurs enfants. Il conclut que l’accès à l’école publique est un facteur accélérant l’intégration des familles syriennes, en leur donnant les moyens de gérer leur rapport à leur nouvelle situation (Lfatmi, 2017). En se basant sur une enquête quantitative au moyen du questionnaire, une étude examine les réactions sociales et politiques par rapport à la survenance de la population syrienne réfugiée au Maroc (Talbioui et Khalil, 2020, p. 151). Sur un autre plan, l’analyse de contenu nous a permis de rendre compte de l’image des réfugiés syriens à travers les médias électroniques (Azrrar, 2019).

9La seconde catégorie cible la question des réfugiés syriens de manière indirecte. Elle traite cette thématique en tant qu’objet de recherche partiel. Cette catégorie inclut des études quantitatives et qualitatives qui s’intéressent généralement à la population réfugiée au Maroc, sans cibler une nationalité spécifique. Ces études ont porté de manière globale sur les réfugiés d’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient au Maroc. Il s’agit de publications qui se sont penchées sur plusieurs aspects : motifs de l’émigration, profil des migrants, itinéraires migratoires, conditions de vie, stratégies de survie et les intentions migratoires (Bennani, 2017 ; HCP-Maroc, 2015). À cela s’ajoute le traitement étatique et institutionnel réservé aux demandeurs d’asile et aux réfugiés dans le cadre des procédures de régularisation de la situation de séjour au Maroc (Benjelloun, 2017 ; Khrouz, 2019).

10De par notre connaissance basée sur nos lectures bibliographiques, nous avons constaté que la thématique des réfugiés syriens au Maroc est un objet d’étude peu exploré, comparé à l’immigration subsaharienne. Celle-ci prédomine sur le plan de la recherche scientifique consacrée aux mobilités internationales, tant numériquement que qualitativement, du point de vue des problématiques, concepts et méthodologies mobilisés pour aborder cette forme migratoire intra/interafricaine. En effet, plusieurs études ont été publiées par les structures de recherche, depuis les années 1990 jusqu’à nos jours où la migration subsaharienne demeure un enjeu pour l’État constitutive non seulement de sa nouvelle politique migratoire, mais également de sa politique africaine générale (Ait Ben Lmadani, 2016).

11Le caractère insuffisant des recherches sur la migration syrienne peut s’expliquer par le fait que cette dynamique migratoire est récente, comparée à d’autres communautés étrangères déjà installées au Maroc. Or, la présence syrienne est une réalité migratoire ancienne au Maroc ; les migrants syriens s’y sont installés bien avant le déclenchement de la guerre. Leur expertise est connue dans le forage des puits, la restauration et le commerce. En revanche, comme le signale Mohamed Berriane, ces nouvelles thématiques émergentes s’esquissent sans être fortement présentes dans le cadre académique, car elles correspondent à des événements relativement récents et nécessitent un certain recul dans le temps. C’est dans cette optique que s’inscrit la thématique générale portant sur les rapports entre migrations et mouvements sociaux, communément appelés le « printemps arabe ». Dans cette perspective, Berriane écrivait : « apparemment la recherche n’a pas pris encore suffisamment de recul pour oser traiter ce sujet de façon plus scientifique que journalistique » (Berriane, 2017, p. 43).

Méthodologie de l’enquête

12Pour aborder nos questions de recherche, nous avons opté pour une méthodologie qualitative au moyen de l’observation et de l’entretien, dont les critères de représentativité et d’exhaustivité de l’échantillon ne constituent pas un véritable enjeu pour le chercheur. La méthodologie qualitative nous a paru la plus appropriée et la plus utile pour aborder notre problématique L’approche qualitative s’impose du fait que nous chercherons à saisir le vécu quotidien des Syriens en situation d’asile. Pour ce faire, nous avons effectué des entretiens semi-directifs avec dix réfugiés installés à Rabat. L’objectif était de se renseigner sur leurs motifs, leur choix, leurs contraintes et leurs stratégies. Il s’agit d’appréhender l’expérience migratoire du point de vue de l’acteur social. Howard Becker, l’un des disciples de l’école de Chicago, a parfaitement exprimé cette démarche méthodologique : « Pour comprendre la conduite d’un individu, on doit savoir comment il percevait la situation, les obstacles qu’il croyait devoir affronter, les alternatives qu’il voyait s’ouvrir devant lui, on ne peut comprendre les effets du champ des possibles […] qu’en les considérant du point de vue de l’acteur » (Becker, 1986, p. 106). Les migrations forcées des réfugiés syriens et leur installation au Maroc s’appuient sur le déploiement des stratégies, la mobilisation des ressources et l’activation des réseaux. L’acteur migrant dispose de moyens multiples afin de surmonter les difficultés socio-économiques et les contraintes politico-juridiques et de vaincre les défis de la vie quotidienne. Les témoignages collectés en entretiens mettent le plus souvent en scène des classes précaires, des groupes migrants, des situations de pauvreté et de marginalité, des catégories dominées auxquels le sociologue donne la parole (Combessie, 2007, p. 29).

  • 5 Nous avons obtenu un Master en Médias et Migrations à l’Institut Supérieur de l’Information et de l (...)
  • 6 Le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), L (...)

13La ville de Rabat constitue un cadre de vie urbaine pour les familles syriennes réfugiées. Le choix de la capitale administrative comme terrain d’enquête s’explique par des raisons pratiques liées à notre séjour temporaire à Rabat. Notre présence dans la ville est en rapport avec la poursuite des études universitaires (Azrrar, 2018, p. 32)5. Cette ville a connu une arrivée massive des réfugiés syriens. Elle est parmi les plus grandes villes qui ont accueilli ces populations exilées. En effet, la ville de Rabat joue un rôle important en matière d’accueil des populations étrangères, car elle abrite le tissu associatif et administratif nécessaire aux migrants, réfugiés et demandeurs d’asile : HCR, OIM, FOO, Caritas, GADEM, AMDH6. Cette capitale administrative du Maroc constitue un point de passage pour les immigrés et les réfugiés souhaitant rejoindre l’eldorado européen. Pour ces multiples raisons, la concentration de la communauté syrienne dans les quartiers périphériques de Rabat nous a incités à mener notre enquête de terrain.

14Par ailleurs, nous nous sommes intéressés aux représentations sociales que se fait la société marocaine de la présence syrienne, en interrogeant les habitants marocains qui cohabitent avec la population syrienne. Appréhender les perceptions véhiculées par les habitants autochtones montre que l’intégration ne relève pas de la seule volonté des réfugiés syriens mais aussi de la volonté de la société réceptrice. Dans ces six entretiens, nous traitons les attitudes de la société hôte vis-à-vis de l’arrivée récente des réfugiés syriens. L’imaginaire collectif nous informe sur les manières dont la société marocaine facilite ou freine l’insertion des nouveaux réfugiés. Nous avons effectué au total 16 entretiens entre le 25 mars et le 12 avril 2019 (10 avec les réfugiés syriens et 6 avec leurs voisins marocains). Dans certains cas, nous avons été obligés de négocier avec eux, en nous insérant dans un jeu de parole et d’argent et des femmes mendiantes ont hésité à nous parler et à nous faire confiance. Bref, le recueil de données était très compliqué. Tous les entretiens ont été effectués dans leur quartier de résidence, dans les cafés populaires, auprès des mosquées et des ronds-points. Le contact auprès des réfugiés syriens a été facilité par le système boule de neige. Chaque interviewé nous a présenté un membre de sa famille et de sa communauté d’origine. Le café a été le lieu privilégié pour rencontrer leurs voisins marocains qui cohabitent avec eux dans un esprit de coopération et de pacification des relations de voisinage. Ces rencontres avec les populations syrienne et marocaine consistent « à donner la parole dans un entretien individuel à une personne afin qu’elle décrive, explique et évalue un épisode quelconque de son expérience vécue (…) l’entretien prendra donc une forme narrative dans laquelle viennent se greffer des personnages, des situations, des événements, des choix, des actions, des raisons d’action, ainsi que les relations réciproques qui jalonnent l’existence des individus, la structurent et en modifiant parfois le cours » (Bakass, 2011, p. 7).

15Ces entretiens avec la population marocaine ont gardé un caractère informel, prenant la forme de conversations ordinaires. Quant aux réfugiés syriens, le guide d’entretien est structuré autour de quatre axes thématiques. Le premier thème est consacré aux caractéristiques de la population interrogée :l’âge, le sexe, le niveau d’instruction, situation matrimoniale/familiale, lieu de résidence et profession. Le deuxième thème est en rapport avec les motifs migratoires ayant poussé les réfugiés syriens de s’exiler au Maroc. Le troisième thème s’intéresse aux stratégies d’insertion résidentielle. Il porte également sur les formes de cohabitation communautaire et les relations de voisinage avec la population marocaine. Quant au dernier thème, il aborde l’insertion professionnelle et les stratégies de survie adoptées par les parents syriens. Du point de vue pratique, nous avons employé les deux modalités d’enregistrement des entretiens (magnétophone et prise de notes) selon les choix déclarés par les populations interrogées. La modalité classique d’enregistrement consiste à converser et à noter le plus vite possible les informations communiquées par l’interviewé. Le recueil de propos en situation est utile dans la mesure où il facilite la mémorisation des points les plus importants en vue de relances et de clarifications. Concernant la modalité moderne d’enregistrement, nous avons retranscrit la totalité des entretiens enregistrés par magnétophone (7 entretiens). La conduite de l’ensemble des entrevues a duré une heure en moyenne. Les citations et les déclarations employées ont été traduites de l’arabe (classique et dialectal) vers le français. La classification et le traitement des données ont été réalisés par le biais de l’analyse de contenu. Sur le plan déontologique, nous avons préservé l’anonymat des interviewés pour qu’ils puissent s’exprimer librement. L’objectif principal est essentiellement de donner la parole aux réfugiés syriens. Leurs témoignages publiés dans cette étude de cas ne se veulent donc pas exhaustifs de la situation des réfugiés syriens installés à Rabat. À travers cette étude sociologique, nous entendons modestement explorer une nouvelle dynamique migratoire initiée par ces populations exilées, souvent peu représentée dans des études consacrées aux migrations internationales au Maroc.

16Pour la collecte de données sur le terrain via l’observation, nous avons contacté la Fondation Orient-Occident à Rabat afin de nouer des relations de confiance avec la population réfugiée. Or, nous nous sommes rendus compte de la complexité de la démarche administrative. Pour surmonter ces contraintes, nous avons adopté une stratégie de mobilité et d’immersion en milieu urbain, en mobilisant nos réseaux informels. Le but était de se renseigner sur les espaces de la ville occupés de manière visible par les réfugiés syriens. L’observation directe nous a permis d’éclaircir des scènes concrètes de la vie quotidienne. En vue de capturer des situations sociales mouvantes, nous avons ciblé les différents espaces fréquentés par ces populations exilées : le quartier, le marché, la rue, les mosquées, les ronds-points, les jardins. Leur présence dans ces lieux témoigne de la diversité des modalités d’appropriation de l’espace urbain. Ces formes multiples d’occupation de l’espace attestent d’une diversification des territoires de mobilité et de la complexité des relations entretenues avec les espaces de la ville. L’observation nous a été très utile pour décrire leur occupation de l’espace public.

  • 7 Hay Ennahda, Hay Takadoum, Hay Almanal, Hay Al Massira à Témara.

17Les caractéristiques de nos interviewés, ce sont des pères, chefs du foyer, âgés entre 30 ans et 38 ans, excepté une personne âgée de 60 ans. Ils ont un nombre moyen de 2,5 enfants, certains d’entre eux sont nés au Maroc. De ce fait, ils n’ont vécu ni la guerre, ni le déplacement forcé. La question de leur nationalité et citoyenneté s’impose en cas de prolongement de la durée de séjour au Maroc. Leur niveau d’instruction ne dépasse pas l’école primaire. Ils sont originaires d’Idlib, de Lattaquié et de Homs, où ils exerçaient leurs métiers dans divers secteurs, tels que la restauration, le bâtiment, le commerce et l’agriculture. Concernant les parcours migratoires, ils ont traversé plusieurs pays dans des conditions éprouvantes, à savoir la Turquie, le Liban, la Mauritanie et l’Algérie. En recourant à des passeurs, ils sont entrés au Maroc via les frontières de la région orientale (Oujda). Ainsi, les réfugiés syriens interrogés habitent dans les quartiers populaires7, où se concentrent les formes de précarité les plus variées, tant dans la population marocaine que dans la population migrante. Ces quartiers de refuge des pauvres sont touchés par des processus de stigmatisation et de marginalisation : problèmes d’habitat, scènes de violence et de criminalité, taux de chômage élevés, un faible capital économique et culturel, revenus précaires et conditions de vie difficiles.

Le choix du Maroc comme pays d’asile : la diversité des motifs migratoires

18Face à une contrainte de guerre, le choix de s’exiler au Maroc n’est pas prévu au départ, ni même pensé. Le départ forcé s’est effectué en plusieurs étapes. Selon les Syriens interviewés, fuir l’insécurité renvoie d’abord au fait de trouver un endroit stable à l’intérieur du pays : camps, école, hôpital, zone frontalière. Ces lieux de regroupement leur permettent de se protéger et se préparer pour traverser les frontières internationales. Ensuite, échapper aux persécutions impose de se réfugier dans les pays voisins (Turquie et Liban) puis dans les pays maghrébins (Mauritanie et Algérie). Le processus de passage des frontières terrestres est rythmé par des étapes successives : le regroupement de la communauté, la réorganisation de leur temps, la collecte de ressources financières et l’inscription dans les réseaux de passeurs.

19De manière générale, leur trajectoire est vécue comme une souffrance psychologique et sociale. Ils se retrouvent, avec leurs enfants et épouses, dans une situation de mobilité-sédentarité, d’un espace à l’autre, d’une frontière à l’autre, d’une société à l’autre. C’est dans ces parcours d’errance que le Maroc est conçu comme un pays d’asile. Telle situation est due à la perte du sentiment d’appartenance à une place, à la perte des repères identitaires et aux changements de style de vie qui ont lieu pour des raisons hors du contrôle du réfugié (Ridjanovic, 2007, p. 72). Or, l’analyse de leurs récits nous révèle une diversité des motifs évoqués pour expliquer leur arrivée au Maroc. Ces motifs migratoires sont imbriqués dans des sphères familiale, socio-économique et politique. Ils traduisent une complexité qui se rattache tant à la singularité des parcours individuels qu’à la similarité des conditions collectives.

Motifs familiaux et sécuritaires

20D’après les données récoltées, les réfugiés syriens nous ont indiqué qu’ils ont rejoint le Maroc du fait de sa stabilité politique et sécuritaire. En effet, ils ont quitté leur pays, car ils ne se sentent plus protégés dans leur intégrité physique et morale. En réalité, l’Etat cesse de détenir le monopole de la violence physique légitime (Weber, 1963). Cette institution souveraine et régulatrice exerce la violence de manière perçue comme arbitraire par de larges secteurs de la population, qui ne s’estiment plus protégés face à la toute-puissance de cet appareil (Bolzman, 1992).

  • 8 Tout cela nous amène à émettre l’hypothèse de l’inégalité devant la migration internationale. La di (...)

21Pour la plupart de nos interlocuteurs, la présence de la famille est déterminante dans leur choix de venir au Maroc. Cinq interviewés se sont arrivés au Maroc pour des motifs familiaux. Ils ont rejoint un membre de la famille : une sœur, un frère pour les uns, un oncle ou un cousin pour les autres. Il semble que le réseau familial, initié par les primo arrivants, recrute et incite de nouveaux candidats à la migration vers le Maroc. Ce qui entraine un effet de sélection parmi le stock de réfugiés syriens concentrés dans la région du Moyen Orient8. L’importance accordée aux relations de parenté s’explique en partie par les attentes, les rôles et les obligations associées à la famille proche. Celle-ci est susceptible d’être mobilisée dans le cadre des procédures de demande d’asile, de recherche de logement et d’emploi (Sidi Hida, 2015, p. 92). Les réseaux familiaux sont traversés d’échanges de services, de biens, de conseils et d’informations. Ce sont en fait ces échanges qui nourrissent le lien social entre réfugiés mobiles et réfugiés sédentarisés, entre réfugiés anciennement installés et nouveaux arrivants. Ces informations collectées nous amènent à insister sur l’importance des liens familiaux dans l’accueil de nouveaux arrivants en ville.

22Dans ces situations de souffrance, la famille est censée en effet les accueillir et leur apporter un soutien, voire même leur faciliter l’insertion dans le tissu relationnel local. Ces garanties familiales sont souvent cruciales dans l’aventure migratoire. Face aux aléas de la vie, la famille reste inévitablement un des socles de solidarité et de protection (Paugam, 2009). Son soutien matériel et moral constitue un gage de sécurité pour les réfugiés syriens, au moment où ce sentiment de sécurité ontologique est perturbé par la guerre et menacé par la mort (Delannoi, 1995). C’est dans ce sens que nous devons comprendre leurs témoignages qui perçoivent la famille comme un premier refuge :

« Quand j’étais arrivé, avec ma femme et mes enfants, à Rabat, c’était en 2016, j’avais attendu mon cousin à la gare de Rabat ville, il m’a accueilli dans sa maison située à Salé, j’ai resté chez lui pendant 6 mois, puis j’ai travaillé avec lui dans le creusement des puits, après j’ai effectué des recherches pour trouver un loyer indépendant à Rabat, maintenant je connais la ville, ainsi j’ai construit des relations amicales avec des Marocains et des Syriens ».

23Par ailleurs, la concrétisation de l’acte migratoire dépend des ressources financières. La dimension économique a un poids considérable dans ces longues trajectoires. D’après leurs propos, les modalités du financement du projet migratoire sont multiples : transferts monétaires, commerce, vente de leurs biens (terre, bijoux…), et l’argent épargné. Un de nos interrogés a vendu sa terre pour pouvoir financer son exil : « Sans l’argent de ma propriété foncière, peut-être je ne peux pas quitter mon pays, j’ai vendu ma terre pour fuir la guerre et chercher un endroit stable pour protéger mes enfants ». Ces stratégies de financement de la migration internationale attestent l’existence des alliances matrimoniales et familiales. Ces solidarités familiales et sociales se construisent à l’échelle transnationale. Les réfugiés syriens entretenaient des liens multiples dans des lieux multiples : ils sont présents partout, ils sont connectés partout. Leur présence sur plusieurs espaces leur permet de créer une identité diasporique.

Motifs liés à la régularisation de la situation de séjour

  • 9 S’agissant de la première phase de régularisation lancée en 2014, selon les données officielles com (...)

24D’après les témoignages des réfugiés syriens, il semble que les informations qui circulent sur la nouvelle politique migratoire ont encouragé leur arrivée successive au Maroc. En effet, leur afflux massif suit des logiques institutionnelles. Lors de la première phase de régularisation lancée en 2014, plus de 5 000 Syriens ont régularisé leur situation de séjour, représentant ainsi près du quart des étrangers régularisés au Maroc (Benjelloun, 2017, p. 51 ; Ait Ben Lmadani, 2016, p. 22)9. Les politiques de gestion migratoire ont affecté les trajectoires empruntées. Étant donné la situation irrégulière dans laquelle se trouvent les réfugiés syriens en Algérie, on peut admettre que les procédures de régularisation représentent une opportunité offerte par la structure politique au Maroc. Il est probable que la possibilité de régulariser la situation de séjour incite les Syriens à s’installer au Maroc.

25Or, l’État ne dispose pas dans les faits d’une loi d’asile, susceptible d’octroyer l’asile auxSyriens et de déterminer leur statut. C’est le HCR qui se charge de l’enregistrement des demandes d’asile, de la détermination du statut et l’assistance aux réfugiés au Maroc. L’organisation internationale attend l’adoption d’une loi nationale sur l’asile pour transférer les responsabilités de gestion de la question d’asile aux autorités marocaines. De leur côté, les autorités publiques déclarent les considérer comme des réfugiés, même s’ils n’ont pas encore le statut de réfugiés. Par égard à la situation de leur pays, un certificat de dépôt de demande d’asile leur est octroyé par l’organisation onusienne pour une durée de 6 mois renouvelable (Sidi Hida, 2015, p. 93). En somme, la situation administrative des Syriens reste en suspens dans l’attente d’une loi qui tarde à être adoptée. Le traitement qui leur a été réservé, révèle une volonté de ne pas les reconnaître en tant que réfugiés (Benjelloun, 2017, p. 72). Cette situation crée des statuts juridiques flous, mixtes ou ambigus (protection temporaire, demandeurs d’asile, réfugiés, migrants (non) régularisés…). On peut admettre qu’ils sont donc des réfugiés sans statut reconnus par l’État.

Motifs liés à la possibilité de transiter vers l’Europe

26La position géographique du Maroc attire différents profils migratoires souhaitant traverser en direction de l’Europe. Sur l’ensemble de nos interviewés, trois d’entre eux nous ont exprimé leur désir de rejoindre l’Europe. Le choix de certains pays (Belgique, Allemagne et France) a été édicté par des raisons pratiques, en rapport avec leurs réseaux familiaux et amicaux dispersés sur le territoire européen. Leur parcours migratoire est ainsi motivé par la possibilité d’y obtenir le droit d’asile, et de bénéficier d’un statut de réfugié reconnu par l’État. Cette reconnaissance garantit, selon eux, un ensemble de droits qu’ils n’ont pas au Maroc : le logement, le travail et une aide mensuelle. Cependant, les dispositifs sécuritaires pris par l’UE pour restreindre l’accès à l’espace Schengen, contraignent un certain nombre de migrants et de réfugiés à s’installer au Maroc. D'autres cherchent de nouvelles portes d'entrée au Nord et inventent de nouvelles stratégies de contournement : faux passeports, usage de filière clandestine, recours aux réseaux de passeurs. Le critère de regroupement familial est devenu la voie principale d'entrée régulière en Europe (Alioua et Ferrié, 2017, p. 7)

27Depuis la généralisation du système des visas et le renforcement des mesures sécuritaires, le franchissement de la frontière européenne devient très difficile pour les réfugiés sans visa ni passeport, qui sont systématiquement renvoyés au même système de gestion, celui de lutte contre l’immigration « illégale ». Alors même que la convention de Genève prévoit que les États signataires ne doivent pas entraver l’accès des réfugiés à leur territoire (Santamaria, 2008, p. 10). Cette politique d’externalisation des frontières a pour effet de bloquer les réfugiés « indésirables » souhaitant demander l’asile en Europe. Cette conception dirige l’Europe vers l’asile séparé : réfugiés de pays pauvres dans les pays pauvres, réfugiés de pays riches (rares) dans les pays riches (Legoux, 2006, p. 12). L'un des Syriens interrogés a témoigné :

« Je suis entré irrégulièrement en Turquie dans l’objectif de partir en Europe. Mon objectif était de rejoindre mon frère qui a obtenu un statut de réfugié en France, après avoir réussi son aventure migratoire, suite à l’emprunt de la voie maritime Turquie-UE via les passeurs clandestins. En réalité, rejoindre l'Europe est entravé par les mesures sécuritaires. Face à ces contraintes, j'ai décidé de parcourir de longues trajectoires pour arriver au Maroc, j'ai fait six ans dans la route en passant par le Liban, la Mauritanie et l'Algérie, c'est très difficile pour moi et pour ma famille. Ce trajet m'a affaibli, c'est vrai, au début quand je suis arrivé au Maroc, l'Europe c'était pour moi un rêve, mais actuellement l'idée de l’Europe ne vient plus à la tête, je ne veux plus partir en France, car ce n'est pas exempt d'obstacles, je me sens très fatigué, je veux juste me reposer et vivre en paix au Maroc ».

D’autres motifs migratoires

28En s’appuyant sur les données récoltées, les proximités culturelles et religieuses, symbolisées par la religion musulmane et la langue arabe, ont permis de tisser des relations migratoires entre le Maroc et la Syrie. Ces formes de mobilité et d’échange se sont accentuées à travers des liens conjugaux par le mariage mixte. D’autres Syriens ont envisagé le Maroc comme une opportunité d’investissement dans des domaines variés, tels que la restauration, la décoration, le forage des puits et le commerce.

Logement et relations de voisinage des réfugiés syriens résidant à Rabat

La question du logement

  • 10 Le HCR précise que « lors de mouvements massifs de réfugiés, (en général suite à des conflits ou de (...)

29Une fois les réfugiés syriens arrivés à Rabat, leur enregistrement auprès du HCR montre qu’il s’agit d’une procédure particulière. Comparée à d’autres personnes venant d’Afrique subsaharienne, on constate dans les différentes statistiques de l’organisation onusienne que la catégorie « demandeur d’asile » n’est pas valable pour les réfugiés syriens. Les pères de famille syriens obtiennent un papier du HCR sur lequel figurent le conjoint et les enfants à charge (Lfatmi, 2017, p. 15). Cela dit, l’accès au statut de réfugié leur est reconnu d’emblée (prima facie)10. Une fois les procédures d’enregistrement terminées, de nouveaux défis s’imposent à eux : le logement est un des problèmes à résoudre. Si les pays avoisinants ont mis en place de grands camps pour accueillir les exilés, on trouve dans le cas marocain que les autorités locales empêchent toute constitution de campement de réfugiés syriens. Ces derniers sont amenés à trouver un loyer convenable en ville par leurs propres moyens.

30Dans ce sillage, les stratégies adoptées pour trouver un logement sont diverses : recours à un agent immobilier, rejoindre la famille, relations amicales. En effet, le choix des lieux de résidence s’effectue généralement dans les quartiers périphériques, où l’accès à un loyer est plus ou moins abordable. La condition sociale défavorisée des réfugiés syriens détermine en grande partie les lieux de résidence offerts par la ville. Cette situation économique précaire se répercute sur la qualité des services qui émane de la structure interne du loyer comparée à la structure familiale parfois élargie. Dans ces cas, leurs témoignages sont significatifs : petits logements de mauvaise qualité, un appartement de deux chambres, maison étroite, loyer peu confortable. Ce sont en effet les désignations employées pour apprécier leur rapport à leur condition d’habitat. Leur logement dégradé constitue un indicateur de distance sociale et de ségrégation spatiale. En revanche, les stratégies d’appropriation de l’espace par le truchement de l’accès au logement se déploient suivant deux logiques : l’une sociale liée au regroupement de la famille et de la communauté syrienne, l’autre économique en rapport avec les faibles ressources financières des parents syriens.

31Leur déménagement dans la ville suit le plus souvent une logique de concentration communautaire dans les quartiers périphériques. Pour certains de nos interrogés, le changement du loyer ne résulte pas essentiellement d’un processus liant mobilité résidentielle et mobilité sociale, mais il peut se rapporter tantôt à un mode de vie, tantôt à une stratégie de survie. De nouvelles opportunités d’emploi incitent également les familles syriennes à se déplacer constamment dans/à travers les villes marocaines : Casablanca, Meknès, Kenitra, Salé et Rabat. Il s’agit donc de déménagements interurbains effectués pour des motifs d’ordre professionnel.

32Dans la même lignée, l’adaptation à sa nouvelle situation en exil et son nouvel environnement culturel oblige le réfugié syrien à chercher des tentatives de conciliation entre sa communauté d’origine et sa société d’accueil. D’où l’importance de la vie en communauté au sein des quartiers urbains particuliers. Ces stratégies d’appropriation de l’espace peuvent constituer une étape primordiale vers le processus d’intégration à la société réceptrice. Mais elles peuvent aussi être interprétées comme un signe de ségrégation spatiale, de ghettoïsation communautaire et d’exclusion sociale. Ces dysfonctionnements structurels déterminent en grande partie les positions marginales occupées par les réfugiés syriens. Ils affectent également leur degré de participation aux différentes sphères de la vie sociale. Ces logiques de mise à distance produisent des stratifications économiques face au marché du travail, ainsi que des inégalités spatiales face au marché résidentiel à l’intérieur de la ville.

33Dans tous les cas, la communauté syrienne constitue le fondement du lien social et de solidarité familiale car elle permet à l’exilé de sortir de son isolement social en partageant ses souffrances avec ses compatriotes. Dans certains quartiers précaires, l’ancrage de la communauté syrienne réfugiée - constituée par les primo arrivants – favorise l’accueil de nouveaux arrivants dans les mêmes lieux de résidence. Ces quartiers résidentiels demeurent un lieu d’ancrage territorial et de solidarité communautaire. C’est à travers ces quartiers que les réfugiés syriens déploient des stratégies de cohabitation avec d’autres membres de leur communauté dans le but d’échapper à la précarité socio-économique. C’est dans ces territoires qu’ils définissent les contours d’appartenance sociale et de marquage ethnique de l’espace. Le quartier de résidence constitue aujourd’hui un marqueur social et identitaire. Le regroupement de la communauté déclenche un processus de resocialisation et d’apprentissage des règles de conduite de la société réceptrice. La cohabitation communautaire réduit les distances socio-culturelles. Ce faisant, la communauté remplit une fonction d’intégration et de médiation dans le sens où elle permet de s’approprier les codes culturels et les normes sociales de la société dominante (Bessie2022-04-07T16:06:00BMarie, 2003, p. 170 ; Caradec, 1999, p. 765).

Les relations de voisinage

34Parler de relations de voisinage, c’est s’interroger sur les comportements des anciens migrants ruraux des quartiers périphériques vis-à-vis de nouveaux réfugiés syriens dans la ville. Il s’agit bien évidemment de questionner les formes de cohabitation des personnes venues d’horizons différents pour de multiples raisons, sur les mêmes territoires de la ville en général, sur les mêmes espaces des quartiers de pauvres en particulier. L’ensemble des réfugiés syriens s’imaginent tous être bien perçus par les voisins marocains. Dans leur quotidien, les familles syriennes ressentent cette bonne entente : « les Marocains ne sont pas indifférents à nous », « ils sont hospitaliers », « la communauté marocaine est bienveillante à l’égard des réfugiés syriens », « nos frères marocains nous aiment beaucoup ».

35Ce sont en effet les expressions les plus répandues chez eux pour apprécier les bonnes relations entretenues avec la population locale. De même, les voisins marocains redéfinissent leur nouvelle situation migratoire comme relation d’hospitalité et d’entraide ; le Syrien est musulman, arabe, frère, réfugié de guerre, sa présence au Maroc est l’appel au secours d’un frère en situation désespérée, son pays vit dans des conditions extrêmement difficiles (Lachheb, 2017, p. 62). De manière générale, l’imaginaire collectif construit et impose des catégories hiérarchisées de l’altérité. Sans se pencher sur les origines historiques de ces (dis)qualifications, les représentations sociales de l’altérité diffèrent selon trois catégories de migrants présents au Maroc : Si l’ « Européen » jouit d’une image positive et privilégiée, car il est riche, instruit, civilisé, compétent et intelligent, on trouve que le « subsaharien » est perçu négativement. Ce dernier fait objet de discrimination, de rejet et de stigmatisation, à cause de sa couleur de peau, de son statut social dévalorisé et de sa différence culturelle et/ou religieuse. Alors que le « Syrien » suscite les sentiments de compassion et de solidarité, vu la situation de guerre qu’il a fuie et du fait de son appartenance arabo-musulmane.

36En dépit des distances géographiques entre les pays d’origine et d’accueil, les proximités culturelles accélèrent davantage l’insertion des réfugiés syriens dans le tissu relationnel au niveau des quartiers. Si dans d’autres contextes européens, ils investissent leur temps dans l’apprentissage de la langue afin de réussir leur intégration professionnelle et culturelle, on se rend compte que, dans le contexte marocain, la mixité résidentielle et l’intensité des échanges quotidiens entre voisins ont permis la compréhension du dialecte marocain. De leur côté, les Marocains ont contacté leur arabe parlé et leur culture au travers des séries à la télévision. Grâce à la communication orale, ils se sont accoutumés au dialecte syrien.

37En revanche, c’est à travers les festivités sociales et religieuses - fêtes, mois du ramadan, cérémonies de mariage mixtes ou non…- que les interactions culturelles s’intensifient entre les deux communautés. Ces ambiances collectives permettent l’exploration de nouveaux codes culturels. Les marqueurs spécifiques à chaque communauté se passent essentiellement par le biais des pratiques culinaires, vestimentaires et musicales. Puisque les tâches féminines sont confinées à l’espace domestique/privé, la femme joue un rôle de médiatrice culturelle entre les communautés syrienne et marocaine. Ce processus d’acculturation favorise la cohabitation interculturelle dans l’espace urbain. Ces échanges permettent de créer un espace commun de vivre ensemble dans les lieux de vie : foyers, immeubles, quartiers. Ces relations de voisinage pacifiques se rapprochent du concept d’accommodement forgé par Ezra Park et Ernest Burgess. Il désigne les situations sociales qui permettent d’anticiper les dissensions et d’éviter les conflits. Les accommodements sont organisés par les rites de salutations, les règles de préséance, les dons, les visites mutuelles et l’intériorisation de la présence de l’autre, ils permettent à des personnes habitées par des conceptions différentes d’occuper le même espace (Tripier, 2002, p. 10).

Travail et stratégies de survie des réfugiés syriens résidant à Rabat

Le travail informel

38Pour ce qui est de l’insertion professionnelle, il apparaît que les réfugiés syriens trouvent des difficultés dans leur recherche permanente d’un travail satisfaisant. La condition socioéconomique vulnérable, ainsi que l’absence d’une opportunité d’emploi adéquat, rendent bien plus difficile la tâche pour les parents syriens, qui doivent subvenir aux besoins du foyer. En effet, Ils sont exclus du marché du travail formel, du fait de leur statut d’étranger et de contraintes législatives liées au code du travail, réservé aux nationaux, ainsi que du fait de leurs faibles ressources économiques et scolaires. Ces réfugiés interrogés ont exprimé leur frustration face aux obstacles à l’entrée sur le marché du travail. La plupart ont élargi leurs réseaux en dehors de la structure familiale/communautaire afin d’accéder à un emploi précaire et mal rémunéré, en travaillant côte à côte avec les Marocains dans le secteur informel. Le travail informel et non qualifié concerne les secteurs suivants : bâtiment, boulangerie, commerce, restauration, services. Ces métiers précaires sont parmi les stratégies de survie adoptées par les réfugiés syriens.

  • 11 Nous pensons au cas de migrants chinois qui délimitent leur espace communautaire au sein d’un quart (...)

39De son côté, un de nos interrogés a réussi à décrocher un emploi par affinité avec ses collègues qui travaillent chez un propriétaire syrien dans un restaurant situé à Rabat. L’enquête qualitative, réalisée par Younes Lfatmi, révèle la volonté des entrepreneurs syriens résidant au Maroc d’inclure leurs compatriotes dans l’emploi. Elle montre ainsi que la totalité des interviewés ont effectué leurs premières démarches pour trouver un travail auprès d’un propriétaire syrien qui leur a été recommandé par les autres réfugiés syriens (Lfatmi, 2017, p. 17). Il ressort de nos entretiens que les réfugiés syriens recherchent une autonomie économique en dehors de leur communauté. Cela peut s’expliquer par la fragilité du lien communautaire due à une condition précaire similaire. L’insertion professionnelle via la communauté est défavorisée par la position marginale partagée par ces membres. La territorialisation communautaire de l’espace résidentiel ne s’accompagne pas d’une territorialisation de l’espace économique (Taing, 2015)11. Les chances de trouver un emploi communautaire sont donc très réduites et très faibles. Pour ne pas généraliser, les contacts communautaires, dont disposent nos interrogés, n’ont aucune valeur sur le marché du travail.

L’assistance

  • 12 Fondation Orient-Occident (FOO) : c’est une organisation à but non lucratif, reconnue d’utilité pub (...)

40Quant à l’assistance comme stratégie de survie, selon la définition de George Simmel, le pauvre est un être assisté, c’est celui qui reçoit l’assistance (Bisiaux, 2012, p. 66). En partant de cette idée, on peut considérer les réfugiés syriens assistés comme étant pauvres. Conformément aux lois internationales prescrites, leur statut implique en principe de bénéficier d’un ensemble de droits civils, sociaux et économiques. Dans les faits, pour ce qui est du cas marocain, cette relation d’assistance est définie par des subventions octroyées aux familles syriennes afin de soutenir la scolarisation de leurs enfants. D’après les informations recueillies, ces aides financières sont octroyées par le HCR via la FOO12. Or, leur rapport à l’assistance ne traduit aucune forme de dépendance totale vis-à-vis des institutions. La multiplicité des stratégies de survie témoigne d’une culture collective de lutte contre la pauvreté. De son côté, l’État marocain n’exprime aucune volonté d’inscrire sa nouvelle politique migratoire dans des démarches d’assistance concrètes. Pour les assistés, ces actions sociales restent fragiles et provisoires. Pour ces foyers relégués dans la précarité, les subventions constituent une source de revenu qui leur permet de remédier à la situation. Elles leur procurent les moyens de survie afin de résister aux conditions de vie précaire. L'action des pouvoirs publics sur l'assistance et la protection sociale est quasi absente.

41D’autres facilités en matière d’accès aux soins de santé ont été également évoquées par les réfugiés syriens. Les résultats de l’enquête du HCP menée auprès d’un échantillon de 105 migrants forcés installés à Rabat, venant d’Afrique subsaharienne et du Proche-Orient, révèle que le Maroc offre aux migrants forcés, aux femmes plus qu’aux hommes, de bonnes conditions de vie, en ce qui concerne les aspects liés à la santé et l’instruction pour soi et pour les enfants (HCP-Maroc, 2015, p. 129). S’agissant de l’aide relative à la scolarisation des enfants réfugiés syriens, les subventions varient selon le niveau d’étude et le nombre d’enfants scolarisés pour chaque famille. Cette situation crée un sentiment d’injustice dans certaines familles par rapport aux autres. Comme en témoigne un père d’un enfant inscrit en maternelle :

« Les enfants syriens inscrits dans l’école publique marocaine reçoivent des allocations de scolarisation. Pour ceux qui sont en maternelle, ils reçoivent mensuellement une petite bourse de 200 Dirhams, une somme insuffisante pour assurer le minimum des besoins de scolarité, notamment lorsque l’on sait que d’autres familles ayant 4 enfants en primaire peuvent bénéficier d’une allocation de 1 500, voire 2 000 Dirhams ».

  • 13 Il s’agit du programme d’accompagnement du HCR-Maroc présenté par Machtelt De Vriese, chargé de la (...)

42Son témoignage nous renseigne sur le caractère fragmentaire du système de protection internationale. À cet égard, il convient de noter que le HCR sélectionne parmi les réfugiés vulnérables des cas estimés plus vulnérables, selon des critères d’inclusion et d’exclusion. L’objectif est d’entamer un suivi particulier en termes de protection, de prise en charge et parfois de réinstallation13. En l’absence d’une politique effective d’intégration socio-économique, ces formes fragiles d’assistance risquent d’humilier ses bénéficiaires, de consacrer leur échec et de les installer dans le statut de victimes (Schnapper, 2008, p. 4).

La mendicité

43La mendicité constitue l’une des stratégies collectives de complémentarité et de diversification des sources de revenu. Les familles syriennes demandent la charité auprès des mosquées et des ronds-points afin de satisfaire les besoins vitaux du foyer : paiement du loyer, des factures d’électricité et d’eau potable, assurer la totalité des dépenses des soins de santé, subvenir aux besoins des enfants scolarisés. Pourtant, les interviewés insistent sur le fait qu’ils se sont obligés de demander la charité, compte tenu de leur vulnérabilité extrême provoquée par la guerre et la migration. La mendicité ne constitue pas un choix pour eux, elle est plutôt une pratique imposée par la force des choses. Leur situation sociale marginale provoque la pitié et la générosité des Marocains : fidèles, automobilistes, voisins. Ainsi, les associations de charité locales multiplient leurs actions de soutien durant le mois du ramadan et les fêtes religieuses, en distribuant les aumônes aux familles réfugiées syriennes en détresse. Celles-ci voient dans la mendicité une forme de dépendance, d’humiliation et de stigmatisation sociale.

  • 14 Maroc Info, « Les mendiants marocains inspirés par les réfugiés syriens », article de presse publié (...)

44Dans la même lignée, des clichés ont été construits autour de la mendicité des familles syriennes. D’après les propos d’une mendiante marocaine, les réfugiés syriens ont accumulé des richesses. Grâce au recours à la mendicité, ils ont même investi l’argent pour créer leurs propres projets. Selon elle, ils sont actuellement propriétaires de restaurants, de boutiques et de résidences. De même, les Marocains ont développé de nouvelles stratégies pour mendier. Suivant l’afflux massif d’exilés syriens et leur appropriation visible de l’espace public, les pratiques et les représentations de mendicité vont se développer. Certain(e)s mendiant(e)s marocain(e)s vont en effet s’adapter avec cette nouvelle donne migratoire, en recourant à une stratégie de manipulation pour stimuler la générosité du public. Ils se font passer pour des réfugiés syriens pour attiser la pitié des populations et les astreindre à être plus généreux dans leurs aumônes14.

45Sur le plan de l’occupation de l’espace public et le contrôle de ses ressources, ces diverses stratégies attestent d’une compétition invisible entre les mendiants marocains, puis entre ces derniers et les mendiants syriens. Cette compétition se traduit dans leurs regroupement et répartition sur les territoires sacrés de la mosquée. Leur distribution est organisée en fonction des couples Nous/Autre, interne/externe, familier/étranger, similaire/différent, proximité/distance. Ces formes séparées d’occupation de l’espace témoignent d’une organisation sociale spécifique pour chaque communauté, puis pour chaque famille à l’intérieur de ces deux communautés. Ces logiques de proximité et de distanciation dans l’espace religieux engendrent certaines rivalités en termes d’appropriation de ses ressources rares : argent, dons, couscous, distribution de vêtements et de produits alimentaires. Ainsi, ces modalités différenciées d’appropriation de l’espace tracent et nourrissent des frontières entre « nous » et « eux », entre le « proche » et le « lointain ». Pour paraphraser le regard de George Simmel sur l’étranger, le réfugié syrien incarne ce jeu de proximité et de distance dans les territoires de la ville d’accueil (Montgomery, 2017, p. 90).

46Pour les réfugiés syriens, le choix des mosquées correspond à la présence de certains signes de richesse économique et symbolique : quartiers aisés, voitures de luxe, villas, grandes mosquées. Ainsi, les mendiants nationaux et étrangers inventent des stratégies discursives afin de légitimer leurs actes, pour que la mendicité puisse acquérir une forme légitime et acceptable auprès de son public. Être seul ou accompagné(e) d’un enfant ou encore d’une personne âgée, l’accent, la tenue vestimentaire, le passeport et les papiers d’identité sont tous des éléments significatifs qui s’inscrivent dans cette stratégie persuasive. C’est à travers ces marqueurs culturels que se (re)dessinent les frontières entre des « nous » et des « eux ». Ainsi, ces multiples usages sociaux de l’espace reconfigurent les relations entre les communautés syrienne et marocaine. Ces diverses stratégies peuvent se rapporter au concept de compétition élaboré par les deux figures de l’école de Chicago : Ezra Park et Ernest Burgess, la compétition comme forme d’interaction sociale est « une façon d’être dans une société aux ressources rares et aux actions multiples. Il y a rivalité pour s’approprier les premières et pour utiliser d’autres êtres humains pour accomplir les secondes, mais cette rivalité peut être impersonnelle, s’imposer entre personnes qui s’ignorent, qui ne se rencontreront jamais. La compétition est l’interaction sans contact, sans intercommunication » (Tripier, 2002, p. 9). La compétition anonyme est un des phénomènes caractéristiques de l’espace urbain. Selon Colette Pétonnet, l’anonymat reste inévitablement un principe fondateur et organisateur des villes (Pétonnet, 1994).

Conclusion

47À travers cet article, nous avons traité trois dimensions relatives à la présence des réfugiés syriens au Maroc, en particulier à Rabat : les motifs migratoires, le logement et le travail. La méthodologie que nous avons préconisée est d’ordre qualitatif, et ce via les techniques de l’entretien et de l’observation. En effet, nous avons vu que la guerre et les persécutions constituent le facteur principal précipitant le départ forcé des Syriens. Leur arrivée au Maroc s’inscrit à l’intérieur de réseaux constitués essentiellement sur la base de liens familiaux et communautaires. Par sa fonction intégratrice et protectrice, la famille, ainsi que la communauté syrienne, installée en ville intègre ses nouveaux venus, ses membres en leur accordant une place en son sein, puis au sein de la société d’accueil. Ainsi, l’opportunité de régulariser la situation de séjour, la stabilité politique et la proximité géographique de l’Europe incitent les réfugiés syriens à venir s’installer au Maroc, de manière provisoire ou permanente. Ces multiples motifs migratoires attestent du nouveau statut du Maroc comme pays de transit, de blocage et de plus en plus d’immigration.

48L’État marocain ne reconnaît pas aux Syriens enregistrés auprès du HCR légalement et institutionnellement le statut de réfugié, même si le Maroc a ratifié la convention internationale de Genève de 1951, relative au statut de réfugié. Cette non-reconnaissance du statut de réfugié est liée à l’absence d’un cadre institutionnel et juridique en matière de droit d’asile. Ces Syriens exilés au Maroc sont reconnus uniquement comme étant des réfugiés prima facie par l’organisation onusienne. Étant donné que l’adoption d’une loi nationale d’asile tarde à voir le jour au Maroc, la situation des syriens en situation d’asile se caractérise par une double précarité juridique et sociale. Ce manque de reconnaissance sociojuridique impacte négativement les parcours d’installation et d’intégration des réfugiés syriens dans la société marocaine. Ceux-ci font l’objet d’exclusion et de marginalisation socio-économique à Rabat. Ils n’ont pas un accès facilité, ni à la protection et l’assistance sociale, ni au marché de l’emploi. Ce statut juridique indéterminé et restrictif augmente les chances d’exclusion sociale face au logement et au travail. Les conditions de vie des demandeurs d’asile et des réfugiés se dégradent dans un contexte où l’État marocain ne dispose pas de législation nationale spécifique à la gestion des demandes d’asile. Ces demandes d’asile en provenance de l’Afrique subsaharienne et du Moyen-Orient ne sont pas traitées de la même manière par l’État marocain. En effet, la question des demandeurs d’asile et des réfugiés au Maroc témoigne du traitement différencié et hiérarchisé que leur accorde l’État marocain. Ces traitements différenciés sont variables en fonction de leur origine nationale et géographique, leur appartenance communautaire et sociale, leur croyance religieuse, leurs convictions politiques et leur orientation sexuelle. Ces formes de traitement étatique hiérarchisées dépendent également des relations diplomatiques entre les États et de l’agenda géopolitique du Maroc. La gestion de la question d’asile constitue une réponse aux enjeux souverains et sécuritaires de l’État marocain. Ce dernier fait de la gestion de la question d’asile et des réfugiés un outil de politique étrangère, notamment celle orientée vers le continent africain mais également européen. La position du Maroc face aux divers groupes de réfugiés selon leur nationalité, leur orientation sexuelle, leur religion, leur appartenance politique et sociale s’explique par la façon dont il définit sur le plan national sa sécurité, son histoire, ses intérêts politiques et économiques, son identité culturelle et religieuse.

  • 15 Le Bureau des Réfugiés et des Apatrides (BRA) est sous la tutelle du ministère marocain des Affaire (...)

49L’année suivant le conflit syrien de 2011, nous avons assisté à la fermeture de l’ambassade syrienne au Maroc et du retour de l’ambassadeur de Syrie dans son pays, suite à une décision du ministère marocain des Affaires étrangères. De ce fait, les relations diplomatiques entre le Maroc et la Syrie se sont interrompues. Pour des enjeux sécuritaires et souverains, l’État marocain a imposé en 2015 le visa pour l’entrée des Syriens sur le sol marocain. Ces derniers sont considérés comme étant des potentiels criminels liés au terrorisme de Daech. Ces mesures restrictives montrent la volonté de l’État de ne pas accueillir plus de réfugiés syriens sur son territoire. La rupture des relations diplomatiques et les liens historico-politiques conflictuels entre le Maroc et la Syrie ont une importance dans le positionnement de l’État marocain vis-à-vis des réfugiés syriens. Dans ce contexte, les Syriens reçoivent des traitements institutionnels différenciés comparés aux réfugiés subsahariens, palestiniens et irakiens. Ces derniers sont reconnus comme étant des réfugiés à la fois par le HCR et le Bureau des Réfugiés et des Apatrides (BRA)15, tandis que les Syriens ne sont pas reconnus par le BRA et demandent uniquement la protection internationale du HCR. Cette agence onusienne leur délivre un récépissé protégeant du refoulement et de l’expulsion à l’extérieur des frontières marocaines. Ces traitements étatiques révèlent la volonté du Maroc de ne pas reconnaître les Syriens en tant que réfugiés. Selon la pensée d’État, ces Syriens bénéficient d’une protection temporaire en attendant leur probable retour en Syrie, une fois cette dernière sécurisée et stabilisée. Leur installation sur le sol marocain est donc temporaire et non permanente. De ce point de vue, leur intégration ne peut être que provisoire, temporaire, limitée et précaire.

50En guise de conclusion, les réfugiés syriens interrogés souhaitent s’installer au Maroc, dont ils apprécient les sentiments positifs des habitants marocains à leur égard. Ils apprécient également les bonnes relations de voisinage dans les quartiers périphériques, là où le loyer est plus ou moins abordable et où se déploient des stratégies d’appropriation de l’espace et de cohabitation côte à côte avec d’autres membres de leur communauté dans le but d’échapper à la précarité socio-économique. Ainsi, la scolarisation de leurs enfants, les proximités culturelles et religieuses et la mixité maritale fixent davantage les familles syriennes réfugiées au Maroc. La difficulté majeure réside dans la rareté des opportunités de travail, susceptible de garantir une vie digne pour les foyers. En d’autres termes, l’accès à l’emploi bien rémunéré constitue un handicap qui freine toute possibilité d’une intégration professionnelle réussie. Ce qui favorise la multiplication des poches de pauvreté et de marginalité urbaine, là où vivent les réfugiés syriens. Ces derniers sont amenés à diversifier leurs stratégies de survie, en oscillant entre travail informel, assistance et mendicité. Dans ce sens, nous nous retrouvons confronté à un constat paradoxal : les réfugiés syriens sont insérés socialement/marginalisés économiquement, inclus dans le tissu relationnel/exclus du tissu productif. Ces résultats correspondent à un modèle d’insertion socio-culturelle que l’on peut qualifier de « réussi » mais qui ne s’accompagne pas d’une insertion économique. Celle-ci est entravée par les contraintes juridiques, par l’origine sociale modeste et les faibles ressources scolaires. Elle est également fragilisée par l’accès au travail mal rémunéré dans le secteur informel.

51En nous interrogeant sur les perspectives migratoires, nous avons pu distinguer trois catégories de réfugiés syriens. Certains entretiennent un attachement fort à leur pays d’origine, et aspirent un retour une fois la Syrie sécurisée. D’autres sont en situation de désespoir et ne souhaitent plus un retour au pays, ils privilégient en effet de s'installer au Maroc. À ceux-là s'ajoutent également ceux qui sont habités par l’idée de partir en Europe. D’où la complexité de cerner le processus multidimensionnel de leur insertion.

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Notes

1 UNHCR, Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (en ligne). Disponible sur : [http://www.unhcr.org/fr/urgence-en-syrie.html.] (consulté le 12 mai 2018).

2 MENA : Middle East and North Africa (Moyen-Orient et Afrique du Nord).

3 UNHCR, l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (en ligne). Disponible sur : [http://www.unhcr.org/fr/urgence-en-syrie.html.˃, (consulté le 12 mai 2019).

4 UNHCR-Maroc, Note d’information, mai 2017.

5 Nous avons obtenu un Master en Médias et Migrations à l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat (ISIC). Actuellement, nous sommes inscrits en formation doctorale à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Mohammedia. Au début, notre projet de doctorat porte sur une étude sociologique comparative entre les deux grandes villes marocaines (Casablanca et Rabat) où s’installent la grande majorité de réfugiés syriens au Maroc. Pour des raisons familiales et professionnelles, actuellement notre problématique porte uniquement sur les trajectoires d’intégration des réfugiés syriens dans la ville de Casablanca.

6 Le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR), l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM), La Fondation Orient-Occident (FOO), Le Groupe Antiraciste d’Accompagnement et de Défense des Droits des Étrangers et Migrants (GADEM), Association Marocaine des Droits Humains (AMDH).

7 Hay Ennahda, Hay Takadoum, Hay Almanal, Hay Al Massira à Témara.

8 Tout cela nous amène à émettre l’hypothèse de l’inégalité devant la migration internationale. La distinction juridique instaurée entre « déplacé à l’intérieur du pays » et « réfugié » est une forme de reconnaissance et de légitimation de cette inégalité. Ces formes d’inégalité face à la mobilité spatiale dépendent d’une combinaison de plusieurs facteurs : réseau familial, ressources économiques, capital culturel, motivations migratoires, compétences et savoir-circuler, mesures sécuritaires et externalisation de l’asile.

9 S’agissant de la première phase de régularisation lancée en 2014, selon les données officielles communiquées par le ministère délégué auprès du ministère de l’Intérieur, 27 332 demandes de régularisation ont été déposées dont 17 916 ont été acceptés, soit 65% de l’ensemble des dossiers ont reçu une réponse favorable. Cette régularisation a touché 116 nationalités : 6 600 Sénégalais, 5 250 Syriens, 2 380 Nigériens et 2 381 Ivoiriens. En parallèle, une commission nationale de recours a été instituée sous la présidence du Conseil National des Droits de l’Homme pour traiter des personnes n’ayant pas reçu d’avis favorable.

10 Le HCR précise que « lors de mouvements massifs de réfugiés, (en général suite à des conflits ou des violences, qui peuvent eux-mêmes représenter une persécution), il n’est pas possible - et ne peut jamais l’être - de mener des entretiens individuels de demande d’asile pour toute personne franchissant la frontière. Ce n’est généralement pas nécessaire non plus dans la mesure où, dans ces circonstances, les raisons de leur fuite sont alors évidentes. Par conséquent, ces groupes sont souvent reconnus d’emblée (prima facie) réfugiés. », Voir, UNHCR, « Protéger les réfugiés. Le rôle du HCR », 2014, p. 6.

11 Nous pensons au cas de migrants chinois qui délimitent leur espace communautaire au sein d’un quartier casablancais dédié spécifiquement aux activités commerciales, Derb Omar où s’est développé ce que l’on peut nommer le « commerce ethnique ».

12 Fondation Orient-Occident (FOO) : c’est une organisation à but non lucratif, reconnue d’utilité publique, basée à Rabat et ayant des annexes à Casablanca, à Oujda et à Tanger et dans d’autres villes marocaines, elle est partenaire du HCR, et elle est mandatée pour la gestion des affaires des réfugiés sur plusieurs plans : accueil, assistance financière, logement, éducation et santé.

13 Il s’agit du programme d’accompagnement du HCR-Maroc présenté par Machtelt De Vriese, chargé de la protection au sein de cette agence onusienne au Maroc, lors du séminaire international sur l’intégration des immigrés au Maroc sous le thème « la nouvelle politique migratoire au Maroc, quelle stratégie d’intégration ? », organisé les 10 et 11 mars 2014 à Rabat par le ministère Chargé des Marocains Résidant à l’Étranger et des Affaires de la Migration et l’OIM-Maroc.

14 Maroc Info, « Les mendiants marocains inspirés par les réfugiés syriens », article de presse publié le 13/02/2017. Disponible sur : [https://marocinfoblog.wordpress.com/2017/02/13/les-mendiants-marocains-inspires-par-les-refugies-syriens/] (consulté le 25 mai 2019).

15 Le Bureau des Réfugiés et des Apatrides (BRA) est sous la tutelle du ministère marocain des Affaires étrangères et de la coopération internationale.

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Table des illustrations

Titre Carte : Répartition des réfugiés syriens sur la région MENA2
Crédits Source : UNHCR, « Regional refugee and resilience plan 2017-2018 in response to the Syria crisis», Annual report 2017, p. 5.
URL http://journals.openedition.org/sas/docannexe/image/2769/img-1.png
Fichier image/png, 103k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Abdallah Azrrar, « Les réfugiés syriens dans la ville de Rabat : motifs, réseaux et stratégies d’insertion »Sciences et actions sociales [En ligne], 18 | 2022, mis en ligne le 30 septembre 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sas/2769

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Auteur

Abdallah Azrrar

Doctorant en Sociologie

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Mohammedia

Université Hassan II de Casablanca

Centre d’Étude Doctorale : Espaces, Sociétés et Cultures

Formation Doctorale : Sociologie, Psychologie et Savoir

abdallahazrar6@gmail.com

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Droits d’auteur

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